« Les chaudières de Nonceveux, près Remouchamps. La première chaudière confluent du Ninglinspo et du ruisseau des Grandes-Fanges, près Nonceveux, en régime d’eaux abondantes. »
Document, auteur non connu in Les cavernes et rivières souterraines de la Belgique étudiées spécialement dans leurs rapports avec l’hydrologie des calcaires et l’hygiène publique : La Grotte de Remouchamps et le Vallon des Chantoirs. Extrait (Chapitre X), Ernest Van den Broeck, Édouard-Alfred Martel, Edmond Rahir (1907), édité par les auteurs.
Bibliothèque Ulysse Capitaine, Ville de Liège.





En province de Liège (Belgique), Lignes de flottaison explore notre relation à l’eau, en particulier au fleuve de la Meuse et ses affluents. Le corpus, élaboré à partir de documents récoltés (au sein de divers lieux d’archives) et de photographies prises, compose une nébuleuse iconographique éclectique qui esquisse par bribes une dérive historique, topographique et poétique. Le travail interroge les effets du temps sur les lieux, les images, et nos imaginaires.

Lire le texte de Sophie Soukias en bas de page.





Meuse, brouillards toxiques de 1930, site de la Société Métallurgique de Prayon, Engis.
Document, auteur non connu, tirage photographique.
Collection Albert Humblet.







« Station de pompage, Jemeppe-sur-Meuse, Liège. »
Document, auteur non connu, tirage photographique.
Archives de l’AIDE, Association Intercommunale pour le Démergement et l’Epuration des communes de la province de Liège.







Gueule, Plombières.






« Carte officielle de l’Exposition Internationale [de l’eau] de Liège 1939. Illumination des Massifs floraux. »
Document, auteur non connu, carte postale éditée par G. Sentroul.







Meuse, Liège.
Document, auteur non connu, carte postale, éditeur non connu.







« Exutoire de la Xhavée, Wandre, Liège. »
Document, auteur non connu, tirage photographique.
Archives de l’AIDE, Association Intercommunale pour le Démergement et l’Epuration des communes de la province de Liège.







« Bombardement américain du 25 mai 1944 [sur Ougrée, Seraing]. »
Document, auteur non connu, tirage photographique.
Archives de l’AIDE, Association Intercommunale pour le Démergement et l’Epuration des communes de la province de Liège.







Meuse, Liège.






Meuse, Île de Franche-Garenne, Hermalle-sous-Argenteau, Oupeye.






Tilff, Esneux.






Meuse, Grand Palais, Coronmeuse, Liège.






« Les rochers du « Bout du monde » à Colonster vus du Château. »
Document, auteur non connu in Les guides scientifiques du Sart Tilman, 1. Géologie, collectif (1974), édité par l’Université de Liège.
Bibliothèque du patrimoine souterrain, Maison de la spéléologie, Namur. Exemplaire photocopié.







Meuse, Coronmeuse, Liège.






Parc naturel Hautes Fagnes – Eifel.






Barrage de la Gileppe, Parc naturel Hautes Fagnes – Eifel, Jalhay, Baelen.






Ourthe, Angleur, Liège.






« Maquette du port de Liège exposée au Palais des congrès de Liège (1958). »
Document, auteur non connu, tirage photographique, Ministère des travaux publics et de la reconstruction [Belgique].
Archives du Port autonome de Liège.







Réservoir d’orage, Ans.
Document, Photo Robyns Reportage Photographique, tirage photographique.
Archives de l’AIDE, Association Intercommunale pour le Démergement et l’Epuration des communes de la province de Liège.







« Traversée. »
Document, A. Goeydan in Cordées de la nuit. La spéléologie en Belgique, Jean-Pierre Van den Abeele (1954), édité par Arts et Voyages, Lucien de Meyer (Bruxelles).
Bibliothèque du patrimoine souterrain, Maison de la spéléologie, Namur.







« Liège. – Les Ruines du Pont Maghin. » [1940]
Document, auteur non connu, carte postale éditée par Légia, Liège.







Meuse, Pont des Arches, Liège.






« Inscriptions des niveaux des inondations de 1571, 1643, 1740, 1850 et 1926 sur un pilier de la cathédrale Saint-Paul de Liège. »
Document, auteur non connu, tirage photographique.
Archives de l’AIDE, Association Intercommunale pour le Démergement et l’Epuration des communes de la province de Liège.







« Barrage de la Gileppe. – Le Lac en temps de sécheresse. » [1921]
Document, auteur non connu, carte postale éditée par J. B. Dejardin-Cuisset, Bethane.




I.

La plupart des habitant(e)s de la grotte qualifiaient encore l’événement d’« accident atmosphérique ». Pourtant, rien ne prouvait que le désastre eût été déclenché par un phénomène météorologique. Les scientifiques (elles étaient au nombre de trois) s’accordaient plutôt à dire que les intempéries meurtrières étaient les symptômes d’une catastrophe d’une ampleur bien plus inquiétante mais dont elles ignoraient tout ou presque.
Le mythe fondateur de la grotte voulait que les survivant(e)s de l’accident atmosphérique (5 femmes, 4 hommes et un bébé de 3 mois) avaient été emporté(e)s jusqu’à la caverne par une rivière débordante dans laquelle iels avaient été propulsé(e)s par la foudre. De cet épisode, iels ne se souvenaient de rien. La décharge d’électricité statique avait brûlé tous leurs souvenirs. Les fourmillements dans leurs membres, les lésions oculaires dont iels souffraient tou(te)s sans exception, et leurs vêtements trempés et en lambeaux, avaient alimenté la piste de l’« accident atmosphérique ». Cet accident allait obséder les générations futures, amputées de l’histoire de leurs ancêtres.

II.

Seules une vingtaine de photographies d’époque, récupérées dans le sac à main d’une des survivantes, formaient les traces du monde d’avant l’accident. Comment étaient-elles restées intactes, nul(le) ne pouvait l’expliquer. La femme en question, une vieille dame délirante, devait emporter le secret de ces images avec elle quelques jours seulement après avoir échoué dans la grotte.

III.

Ces images, le garçon les connaissait par cœur. Elles formaient la mythologie désolante de sa jeune civilisation, incapable de vivre dans le présent avant d’avoir pu élucider son passé. Il avait vu et revu ces images en noir et blanc (il avait longtemps cru que ses ancêtres étaient incapables de voir en couleurs) de temples d’eau aseptisés, de maisons inondées et de fleuve bombardé, au point d’en être écœuré.
Seule une image parvenait encore à l’émouvoir : celle d’une chute d’eau dont les cascades se fracassaient dans une mer de nuages blancs. Le garçon s’était souvent demandé si ça n’était pas l’absence de technologie humaine qui rendait cette image regardable. Peut-être l’aimait-il aussi parce qu’elle était composée des mêmes matières que la grotte : des rochers et de l’eau.

IV.

Hanté(e)s par la peur d’un nouvel « accident atmosphérique », personne ne s’était jamais risqué en dehors de la grotte. Personne à l’exception d’un homme : « Le Gerlache ». Sur un bateau de fortune, il avait remonté le courant jusqu’à la source de lumière qui éclairait le long couloir de la caverne. Il n’était jamais revenu.
Sortir de la grotte était un jeu d’enfant. C’était la peur du monde extérieur qui paralysait même les plus téméraires. Les scientifiques s’en étaient remises à un système de captation sonore plaqué sur les parois de la caverne : les signaux du dehors qu’elles recevaient du microphone permettaient de reconstituer des formes et des couleurs de la vie dépeuplée aux alentours de la grotte.

V.

Les personnalités les plus faibles, les esprits les plus sensibles, ne parvenaient pas à se contenter de ces images de paysages désolés, sans aucune âme humaine, et se retrouvaient à la merci de tou(te)s les charlatan(e)s prétendant ramener des histoires vivantes du monde extérieur (présent, passé et futur) avec lequel iels auraient eu un contact d’ordre télépathique.

VI.

On avait maintes fois mis en garde le garçon de ne pas prêter attention à ces vendeur(euse)s de rêves. Il ne pouvait s’empêcher de tendre l’oreille à leur flot de paroles magiques. Au point qu’il regrettait ses inattentions et son incapacité à enregistrer tous les détails qui rendaient ces récits si réels et si délicieusement crédibles.
Son histoire préférée était, sans surprise, celle de l’« accident atmosphérique », rebaptisée par son auteur : « Lignes de flottaison ». Elle commençait ainsi et ne variait jamais : Dans la journée du 24 avril, l’atmosphère, particulièrement étouffante (le thermomètre n’indiquait pourtant que 22 degrés), faisait présager l’orage. Lorsque celui-ci éclatait au-dessus de la région, il y avait près de quinze minutes que toutes choses, bêtes et gens, baignaient dans une zone d’un noir d’encre, traversée de temps à autre de fulgurants éclairs qui zébraient le ciel sur toute l’étendue de sa calotte. Vers 21 h 15, accompagnées de craquements de plus en plus déchirants, les averses successives déversèrent sur la ville et la région de véritables paquets d’eau et de grêlons. Toutes les forces de police et les pompiers étaient déjà en état d’alerte…

VII.

Chaque soir, avant de s’endormir, le garçon fixait longuement la lumière hypnotisante qui scintillait au bout du tunnel de la caverne. Au moment de fermer les yeux, il se promettait de ne plus jamais la regarder. Le lendemain, il avait oublié sa promesse.

Texte de Sophie Soukias, 2021
















Exposition lors de la Xème Biennale de photographie en Condroz à Régissa, Marchin, Belgique, 2021

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